Il résulte de l’article 15 de la loi de 1989 que le délai de préavis applicable au congé court à compter du jour de la réception de la lettre recommandée, ce qui suppose une remise en main propre du courrier à son destinataire, et n’est donc pas régulièrement donné le congé d’un bail d’habitation délivré par lettre recommandée avec demande d’avis de réception revenue à son expéditeur avec la mention « pli avisé et non réclamé ».
Le dernier arrêt de la Cour de cassation (Cass. 3e civ., 21 sept. 2022, n° 21-17.691, FS-B : JurisData n° 2022-015304 ; JCP N 2022, n° 40, act. 929) confirme cette jurisprudence constante source d’incertitude, prime à la mauvaise foi pour celui qui s’abstient volontairement de récupérer le courrier à la Poste, ce qui interdit de faire courir les délais de préavis.
Les bailleurs en ont d’ailleurs souvent subi les conséquences, voyant leur bail reconduit pour 3 ou 6 ans.
Plus rarement, ce sont les locataires qui alors même qu’ils pensaient avoir respecté le délai de préavis de 3 ou d’un mois, se voient réclamer un surplus parce que le propriétaire n’a pas réceptionné le courrier recommandé. C’était le cas en l’espèce : le congé avait été rédigé le 17 avril 2015 pour une fin de bail au 31 juillet 2015, mais le courrier était revenu « pli avisé et non réclamé ». En l’occurrence, il ne s’agissait que d’un mois de loyer soit 330 €, ce qui est un moindre mal.
Dans une précédente décision (Cass. 3e civ., 24 sept.2020, n° 19-16.838 : JurisData n° 2020-015041 ; Loyers et copr. 2020, comm. 124), les sommes en jeu étaient beaucoup plus importantes, ce qui avait conduit la cour d’appel, pour en limiter le montant, à observer, qu’ « il ne saurait être admis que le destinataire puisse, en ne retirant jamais le courrier recommandé, se créer seul le droit potestatif de ne jamais faire courir le délai » et qu’en l’espèce, « le bailleur n’étant jamais allé chercher le courrier recommandé, il y a lieu de considérer que le délai de préavis a commencé à courir le 2 décembre 2015, date de retour du courrier à l’expéditeur ».
Compréhensible en équité, ce raisonnement n’a pas prévalu devant la Cour de cassation qui, de jurisprudence bien établie, comme ici, casse toute décision qui ne respecte pas le principe formulé par l’article 15.
Le législateur aurait pu profiter des dernières réformes intervenues en matière de bail d’habitation (loi Alur et Macron) pour modifier l’article 15 et prévoir, comme d’autres réglementations l’ont fait, qu’en matière de courrier recommandé, le délai court au lendemain de la première présentation de la lettre notifiant l’acte (V. par ex., s’agissant du délai de rétractation de l’acquéreur non professionnel, CCH, art. L. 271-1). Le législateur a sans doute pensé qu’en rajoutant par la loi Alur du 24 mars 2014 comme mode de notification du congé la remise en main propre contre récépissé ou émargement, le contentieux serait tari, mais visiblement, ce n’est pas le cas !
Source : Loyers et Copropriété n° 11, Novembre 2022, comm. 175