L’administration fiscale ne peut opposer le secret professionnel aux héritiers à qui elle réclame le paiement d’une dette fiscale de la succession et a le devoir de communiquer les documents fondant l’imposition utiles à l’exercice de leurs droits.
Le Conseil d’État vient de préciser que l’administration fiscale ne peut pas opposer le secret professionnel aux héritiers d’un contribuable qui ont assumé la charge d’un impôt et demandé communication d’informations auprès de l’administration (CE, 10e et 9e ch. réunies, 8 avr. 2022, n° 450114).
Des héritiers redevables d’une dette d’ISF de la défunte
À la suite du décès de Madame G. en 2014, l’administration fiscale a adressé à ses héritiers un avis d’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) au titre de l’année 2015, faisant état d’une base d’imposition de plus de 2 millions d’euros et réclamant le paiement de 8 273 €. Les petit-fils et arrière-petit-fils de la défunte (les deux requérants) ont réglé cette somme à concurrence de leurs quotes-parts dans la succession. Ils ont par ailleurs demandé à connaître les éléments retenus par l’administration fiscale, car il leur semblait que celle-ci avait inclus dans la base d’imposition la valeur de contrats d’assurance-vie que Madame G. avait souscrits au bénéfice de leur tante et grand-tante, ou des enfants de celle-ci.
L’administration a refusé de leur transmettre :
- La copie des contrats d’assurance-vie ;
- les déclarations et justificatifs fiscaux concernant l’encaissement des sommes versées au titre de contrats d’assurance-vie souscrits par Madame G. ;
- les déclarations fiscales complémentaires et rectificatives émises ;
- les justificatifs de prélèvement de 20 % sur les sommes perçues dépassant 152 500 € ;
- les attestations sur l’honneur établies par les bénéficiaires en application de l’article 990-I du Code général des impôts ;
- et les justificatifs du versement des droits.
Par un jugement n° 1902161 du 24 décembre 2020, le tribunal administratif de Pau a également rejeté leur demande. L’administration fiscale leur a opposé le secret professionnel, et le tribunal administratif a estimé qu’il ne pouvait y être dérogé, arguant que les requérants n’étaient pas débiteurs solidaires de l’ISF mis à la charge de la succession. « En statuant ainsi, sans rechercher si les documents demandés étaient utiles aux héritiers pour l’exercice de leurs droits concernant une imposition dont ils avaient pour partie assumé la charge, le tribunal administratif a commis une erreur de droit »,a jugé la haute juridiction administrative.